Argh.... pas d'z'oreilles sur un bateau malheureux !
Argh.... pas d'z'oreilles sur un bateau malheureux ! La bonne nuit mes lapins , même si vous êtes mal venus sur les navires !
La superstition des marins concerne de nombreux domaines : rencontres avec du mauvais temps, mauvaise capture de poisson, naufrages, panne de moteur, navire encalminé, décès en mer. Les marins isolés et éloignés de la vie terrestre ont cherché un responsable ou une raison particulière à leurs tracas.
Autres vocables
L'« empech » est un mot utilisé assez fréquemment par les Bretons. Il représente ce, celle ou celui qui empêche les choses de se dérouler normalement.
De la « tête de turc » : femme ou curé, au lapin en passant par les phrases dites ou les mots prononcés au mauvais moment et au mauvais endroit, les marins ont conçu une liste d'interdits ou de mauvais présages. Étant donné son caractère non scientifique, cette liste varie selon les régions, les mœurs, la religion.
Le lapin
Autrefois, les cargaisons des bateaux étaient saisies avec des cordages en chanvre. Des lapins qui par accident s'étaient échappés de leur cage pouvaient donc les ronger, provoquant ainsi indirectement le naufrage du bateau par déplacement de la cargaison dans les cales provoquant une déstabilisation et la gîte. De plus, sur les bateaux en bois, le calfatage des planches de bordé se faisait avec de l'étoupe de chanvre que là aussi l'animal pouvait ronger amenant des voies d'eau fatales au navire.
Depuis, les lapins vivants sont bannis de tout voyage maritime. Le terme « lapin » est même, pour certains marins, interdit sur leurs navires. On parle à demi-mot de « pollop », de « l'animal aux longues oreilles », de « cousin du lièvre », de « zébro », de « coureur cycliste », voire de la « langoustine des prés ».
L'origine de cette superstition est aujourd'hui largement battue en brèche, en majeure partie par le fait que bien plus souvent que les lapins, c'était des rats qui rongeaient les amarres de l'avitaillement, or, le terme rat n'est absolument pas banni des bords.
Par ailleurs, l'Europe ne fut pas la seule à naviguer, les Arabes et les Chinois ne nourrissent aucune appréhension particulière à l'encontre des lapins.
Le tabou qui frappe le mot lapin est plutôt à rechercher du côté du symbolisme médiéval (époque à laquelle se forment les traditions maritimes modernes) et judéo-chrétien : le lapin est à l'époque un animal associé au domaine démoniaque, du fait de sa propension à forniquer fréquemment en premier lieu et de sa gueule bifide en second lieu. La mer étant alors considérée comme la majeure partie des espaces sauvages comme des espaces dévolus au malin, il n'était la peine d'en rajouter...
Cette superstition a été reprise dans l'épisode 21 de la série d'animation Famille Pirate, dont le sujet principal est l'invasion de lapins sur l'île et sur les navires des Pirates.
Le chanteur Renaud finit sa chanson Dès que le vent soufflera par les paroles « Nous nous en allerons (de lapin) » en référence à cette superstition.
Importance du prénom Marie
Pendant longtemps, les familles de marins donnaient à leurs fils le prénom de Marie dans leurs prénoms de baptême. En effet, dans la religion catholique, cette dernière est censée protéger. Encore aujourd'hui, en Bretagne, l'usage de donner Marie comme énième prénom à tous les enfants est répandu dans les familles catholiques.
Présence des femmes à bord
Jusqu'au XVIIIe siècle, la femme, particulièrement si elle était seule représentante de sa condition, n'a pas fait bon ménage avec le bord où il est sûr que la cohabitation avec un personnel masculin rude ne pouvait qu'engendrer tensions et frustrations. Elle n'était tolérée que comme passagère et il est arrivé, quand la situation devenait périlleuse pour le navire et si elle était la seule à bord, qu'elle soit jugée responsable des maux du navire et à cette occasion fortement malmenée.
Il est à noter qu'Isabelet Roux, a pu, au contraire, "sauver" par ses prières, les marins d'une forte tempête où ils ont pensé mourir. Isabelet et son père embarquent pour Marseille, car celui-ci veut marier sa fille à un jeune Marseillais, pour lui éviter le couvent. Lorsqu'ils quittent Arles sur un bateau, une tempête détruit le mât et le gouvernail, l’équipage panique. Tous les passagers se mettent à prier sauf Isabelet. Ils la supplient alors de prier avec eux. Elle conditionne sa prière à l'acceptation par son père de ne pas la forcer à se marier si ses prières font cesser la tempête. Celui-ci accepte. Isabelet prie et la tempête cesse. De retour sur la terre ferme, le père demande à sa fille de ne pas entrer au couvent, en revanche, elle est libre désormais d’organiser ses journées comme elle le souhaite.
Le prêtre
Au début du XXe siècle, dans trois ports du quartier maritime du Guilvinec (Le Guilvinec, Saint-Guénolé et Lesconil), le catholicisme a de grandes difficultés à s’implanter. Les marins de ces trois ports sont protestants ou communistes, mais surtout très remontés contre le recteur (le curé, en Bretagne). Celui-ci est considéré comme un « empêch » : il porte la poisse.
Cette superstition concernant le prêtre est assez largement répandue dans le domaine maritime. On en ignore l’origine : vient-elle de la couleur noire (symbole funeste) du costume ? Est-elle une assimilation à la femme, qui porte également une robe ? Est-elle colportée par les ennemis politiques ou religieux des catholiques ? Toujours est-il que les mots prêtre, recteur, moine, église, etc., sont bannis à bord, et remplacés par le mot cabestan.
Siffler
Dans les temps anciens, les marins sifflaient pendant les calmes pour faire venir le vent. De nos jours, les marins russes, mais aussi québécois et anglais, n'aiment pas que l'on siffle à bord ; c'est pour eux appeler les vents forts, voire la tempête. En revanche, chanter à bord n'est pas concerné par cette superstition.
Quitter le port un vendredi
Certains marins pêcheurs de Basse-Bretagne évitent d'appareiller un vendredi, signe de mauvais présage. Dans ce cas, on peut suspecter une origine religieuse.
Une explication habituelle se réfère également au jour de paie traditionnel, qui était le jeudi. Un appareillage ayant lieu le vendredi était le fait de matelots souvent quelque peu vaseux, d'où un nombre d'accidents plus élevé.
La superstition règne également en Haute-Normandie. Le vendredi 2 avril 1529, dans le port de Dieppe, le vent d'est est favorable à l'appareillage du Sacre et de La Pensée pour la première expédition française vers l'Extrême-Orient. Mais Jean Parmentier préfère attendre le lendemain.
Cigarettes et bougies
Allumer une cigarette à l'aide d'une bougie provoquerait la mort d'un marin quelque part dans le monde. Cette croyance est sans doute liée au fait qu'un des ancêtres de la SNSM, les Hospitaliers sauveteurs bretons (association créée en 1873), vendait des allumettes. Ainsi, allumer une cigarette à la bougie revenait à priver de dons la HSB. Les femmes des marins allumaient des bougies lorsque leurs maris partaient en mer pour qu'ils retrouvent le chemin du foyer. Allumer une cigarette avec une bougie risquait d'éteindre la flamme. Ceci faisant référence à la femme du marin qui éteignait la flamme de la bougie lorsque son mari ne revenait jamais. Avec la cire celles-ci créaient des croix de proëlla.
Grigris et amulettes
Quelques marins suspendent des grigris et amulettes comme un petit sac de toile contenant des choses diverses (ail, etc.) à l'étrave du navire, afin d'être protégés de la malchance.
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