CORTO MALTESE
Corto Maltese , gentilhomme de fortune !
Narrateur : Je suis l'océan Pacifique et je suis le plus grand. On m'appelle ainsi depuis très longtemps, mais ce n'est pas vrai que je suis toujours pacifique. Je me fâche parfois, et alors je donne une raclée à tous et à tout. Aujourd'hui, par exemple, je viens de me calmer. Mais hier, je dois avoir tout raflé sur trois ou quatre îles et autant de coquilles de noix que les hommes appellent bateaux... Celle-ci... Oui, celle que vous voyez ici, je ne sais pas comment elle a pu s'en sortir. C'est peut-être parce que le capitaine Raspoutine connaît son métier et que ses marins viennent des îles Fidji. Ou bien parce qu'ils ont fait un pacte avec le Diable. Mais cela n'a pas d'importance. Aujourd'hui c'est "Tarowean", le jour des surprises, le jour de tous les saints, le 1er novembre 1913.
Raspoutine : Hé, Corto, mais où étais-tu passé ? Maudit bâtard !
Corto : Ah ! Parce que toi, ton père tu l'as peut-être connu ?... J'ai été me promener !
Raspoutine : Je voudrais des amis et je n'arrive pas à en avoir. Est-ce parce que je ne suis pas comme les autres ?
Corto : Oui... C'est à dire non... Mais je ne vois pas...
Raspoutine : Et voilà, tu vois, tu es toujours prêt à m'attaquer... Et seulement parce que je veux avoir des amis.
Corto : Tu ne peux pas m'embêter ainsi. Excuse-moi Raspoutine, mais tu es fou à lier.
Corto : Ce que vous avez de mieux à faire, toi et Caïn, c'est de rester auprès de moi. Je porte bonheur.
Pandora : Et vous pensez que vous allez toujours continuer à avoir de la chance aussi effrontément ?
Corto : Bien-sûr, ma chère... Quand j'étais petit, je me suis aperçu que je n'avais pas de ligne de chance. Alors avec le rasoir de mon père... Zac, je m'en suis fait une comme je voulais.
Le Moine : Et toi... Corto Maltese. Tu as perdu une goélette et l'autorité sur tes hommes. Pourquoi ?
Corto : Question de femmes. Chef ! Et d'ailleurs l'autorité, on la garde jusqu'au moment où on est obligé de l'exercer....
Le Moine : Gros malin, la réponse est subtile, Maltese, mais le résultat est que tu n'es pas capable de commander. Tu es trop individualiste et indiscipliné. Tu es un subversif !
Christian Slütter : Oh ! Je ne vous avais pas vu, Corto...
Corto : À quoi pensez-vous, monsieur Slütter ?
Christian Slütter : Je pensais aux années passées et je m'en allais ainsi... distraitement vers ma jeunesse ! Bien qu'inconsciemment, on essaye toujours de la retrouver...
Corto : S'arrêter ainsi dans le passé, c'est comme garder un cimetière.
Narrateur : Corto Maltese se reposait paresseusement sur l'unique véranda de la pension Java à Paramaribo (Guyane hollandaise). On voyait tout de suite que c'était "un homme du destin". Il alluma un de ces minces cigares que l'on fume seulement au Brésil ou à la Nouvelle-Orléans, d'un geste mesuré. Il était en train de jouer pour un public invisible. À cet instant la représentation fut interrompue...
Jeremiah Steiner : Je demande pardon à tous, moi... À vous aussi, je demande pardon si vous le désirez.
Corto : Qu'est-ce qui vous prend ? Vous ne vous sentez pas bien ?
Jeremiah Steiner : Il y a très longtemps que j'ai fini de me sentir bien et malheureusement vous ne pouvez rien y faire.
Corto : Je n'ai pas dit que je voulais faire quelque chose pour vous... Pour ma part, vous pouvez même aller au Diable !
Jeremiah Steiner : Voilà qui est parler clairement... J'essaierai de suivre votre conseil. Adieu, monsieur.
Corto : Un individu susceptible, ce Jeremiah.
Jeremiah Steiner, à Corto qui venait de le tirer d'une bagarre : Pourquoi avez-vous fait ça ?
Corto : Ah ! Pour dire la vérité, je n'en sais rien. Peut-être suis-je le roi des imbéciles. Le dernier exemplaire d'une dynastie complètement éteinte qui croyait en la générosité !... En l'héroïsme.
Jeremiah Steiner : J'ai compris. Tu es un boy-scout frustré !
Corto : Écoute, vieux... L'ironie facile me tape sur les nerfs.
Jeremiah Steiner : Bah ! Ne te fâche pas. Je ne voulais pas te vexer. Au contraire, je dois te remercier de m'avoir tiré de ce mauvais pas.
Tristan Bantam : Mais ce que je ne comprends pas et ce que je trouve étonnant, c'est que ma sœur vive dans l'intimité de ces étranges sorciers afro-américains.
Corto : Je ne sais comment te répondre, Tristan... Mais tu oublies peut-être qu'elle a grandi ici... dans cette partie du monde si différente de ton Angleterre conservatrice, ordonnée et insipide, faite de thé et de haussements de sourcils.
Jeremiah Steiner : Paroles saintes ! Tristan, Corto a raison, mais il te présente seulement une partie de l'Angleterre. Il y en a une qui est encore pire et qu'il ne connaît peut-être pas... Et puis il y a aussi une Angleterre merveilleuse. Mais ce n'est pas de cela que je veux parler...
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